À trente ans
Bergeron: un mauvais rêve enfin terminé
Par Martin Tremblay
Chicoutimi (MT) - "J'ai atteint les plus hauts sommets, mais aujourd'hui je dois refaire ma vie en tentant de profiter de toutes les expériences que j'ai vécues après avoir touché les bas fonds."
Ces paroles sont celles d'un jeune homme de trente ans, Michel Bergeron de Chicoutimi, qui, il y a une dizaine d'années était considéré comme l'idole des foules après avoir joué pour les Red Wings de Détroit de la Ligue nationale de Hockey.
Aujourd'hui, le rêve est fini et Michel Bergeron doit faire face à la situation et mettre tout en oeuvre pour remonter la pente et refaire son image. Dans le cas de Michel Bergeron, il y a une histoire qui ressemble à bien d'autres hommes, soit celle d'un jeune qui quitte sa petite région pour la grande aventure.
Hélas, Michel Bergeron a joué certaines mauvaises cartes ce qui l'a amené à tremper dans le monde de la drogue, qui devait devenir, pour lui, un enfer personnel. Dans une entrevue exclusive à notre journal, Michel Bergeron a bien voulu lever le voile sur sa vie, qui a pris la voie de la réhabilitation.
Les premiers pas
"À l'âge de 15 ans, de raconter Michel, j'ai eu mes premiers contacts avec le monde de la drogue, mais ce n'était que pour faire comme les autres, tenter une expérience nouvelle. Ca se passait durant les vacances d'été, mais ce petit manège prenait fin avec le retour en classe, de préciser l'intéressé. À cette époque, c'était l'euphorie parce que je commencais à goûter à la gloire en raison de mes premiers exploits de hockeyeur."
Quelque temps plus tard, Michel Bergeron fut repêché par les Éperviers de Sorel, de la Ligue du junior majeur. Cette formation était dirigée par celui qu'on a surnommé l'Ours de Sorel, Rodrigue Lemoyne. Ce nom rappelera bien des souvenirs aux amateurs de hockey.
Pour Michel Bergeron, ce fut la grande aventure qui commencait grâces aux nombreux exploits offensifs avec cette équipe d'envergure. Ses prouesses allaient lui ouvrir les portes du hockey majeur. Dans cette équipe, Michel Bergeron a cotoyé des grands noms comme Pierre Larouche, des Rangers de New York, Pierre Mondou, du Canadien de Montréal, et bien d'autres.
A cette époque, Michel Bergeron avait rompu avec le monde de la drogue, occupé qu'il était à préparer sa vie de joueur de hockey.
Le repêchage
En 1974, Michel Bergeron a recu le plus beau cadeau de sa vie quand il fût repêché par les Red Wings de Détroit, en sixième ronde du repêchage amateur. L'avenir s'annoncait prometteur. À 19 ans, Michel Bergeron passait d'un salaire de $40 par semaine à $30,000 par année. Pas nécessaire de dire que les dimensions de la vie changèrent quelque peu.
Envoyé dans un monde nouveau, Michel Bergeron fit son nouvel apprentissage dans un milieu anglophone où les Canadiens-francais n'avaient pas la part du lion. Ce fut le premier choc émotif quand Michel Bergeron fût affecté à une formation de Virginie où un instructeur du nom de Doug Barclay lui fit clairement comprendre que les "grenouilles" (Canadiens-francais) ne jouaient pas pour lui.
De retour à Détroit, l'année suivante, Michel Bergeron enregistrait 32 buts et se classa deuixième au choix de la recrue de l'année, derrière la grande vedette des Islanders de New Yord, Brian Trottier.
Après cette saison exceptionnelle, ce fut l'échange aux Islanders de New York, puis à Washington, puis l'enfer de Milwaukee, de la Ligue internationale. C'est là que la descente aux enfers commenca.
Le trou noir
"Quand je me suis retrouvé à Milwaukee, de préciser Michel Bergeron, j'avais perdu toutes mes illusions et ma vie avait pris un autre tournant. Les priorités n'étaient plus les mêmes et je n'étais plus le jeune espoir à qui tout était permis de sorte que je sombrais dans la médiocrité.
"Dans cette ville, le hockey était une activité secondaire, de poursuivre l'ancien joueur de hockey et je me souviens qu'après chaque partie de hockey c'était la bière et la drogue. Cet enfer dura plus de trois ans et quand je suis revenu à Sorel, ma terre d'adoption, j'étais au bas de l'échelle."
À cette époque là, la jeune vedette de la Ligue nationale était passé d'un revenu annuel de $75,000 à une pitance de $150 par mois, du Bien-être social. Michel Bergeron, sans le sou, avait été obligé de faire appel à l'État pour survivre.
"Je ne pouvais accepter cette situation de mendiant, de dire Michel Bergeron, je me suis lancé dans le commerce de la drogue ce qui me permit de faire plus de $1,000 par semaine. Je menais cette affaire durant trois ans, puis un certain matin, je vis la lumière au bout du tunnel. Après une nuit terrible consacrée à la drogue et à la boisson, ce matin là, j'ai averti mes amis que c'était fini pour moi, que je mettais un terme à cette vie de débauche. Depuis ce temps, soit quatre ans, je mène une autre vie en me consacrant aux jeunes du calibre de hockey midget en tentant de leur faire comprendre que la vie mérite d'être vécue mais à la condition de la construire comme il se doit."
Le journal Extra, 17 Novembre 1987.
Bergeron remonte la pente
Pas amer malgré tout
Par Martin Tremblay
Chicoutimi (MT) - Malgré une panoplie de déboires, Michel Bergeron ne demeure pas amère. Il voit plutôt dans ces expériences une dimension concrète.
Quand on lui demande quel fut le plus beau jour de sa vie, il affirme d'emblée que c'est sa première joute dans l'uniforme des Red Wings de Détroit. "C'était la première fois que je voyais une partie officielle de la Ligue nationale de hockey et c'était moi qui étais sur la glace en train de jouer contre les Bruins de Boston et contre une étoile comme Bobby Orr, raconte avec émotion Michel Bergeron. Ce soir-là, poursuit-il, nous avions perdu la partie, mais j'avais eu la chance d'enregistrer un but, ce qui était pour moi la récompense ultime."
De même , quand on lui parle de son plus mauvais souvenir, il mentionne son séjour chez les Islanders de New York alors que l'instructeur Al Arbour l'avait cloué sur le banc pendant presque toute la saison sans aucun prétexte. Cette situation avait été pour lui le début de la fin, la perte de toutes ses illusions. Il mentionne, à ce chapitre, que son divorce lui a fait comprendre que sans argent, on perd beaucoup d'attrait.
Sur le plan carrière, Michel Bergeron ne se gêne pas pour condamner la conduite de Ted Lindsay, des Red Wings de Détroit. Ce dernier a tout fait pour ruiner sa vie, notamment en lui créant une réputation de trouble-fête et ce sans raison. Michel Bergeron blâme également Al Arbour de lui avoir menti en lui disant qu'il pouvait s'acheter une maison à New York, pour ensuite le faire jouer sur le banc. Il devait finalement être échangé au club de Washington.
Dans le même veine, Michel Bergeron n'a guère prisé le geste du Canadien. Invité au camp d'entraînement du Tricolore, Bergeron avait été retourné à la filiale malgré qu'il ait connu un fort camp. Cette démotion avait pour but de faire de la place au fils de Bernard Geoffrion, alors instructeur du Canadien. Le Canadien fut la dernière étape de la vie de hockeyeur de Michel Bergeron parcqu'on pavait ainsi la voie à son séjour infernal à Milwaukee.
Malgré ces déboires, Michel Bergeron remonte la pente en suivant des cours en activité physique à l'université du Québec à Chicoutimi, tout en dirigeant une équipe midget BB et en officiant les joutes du hockey mineur.
Ce témoignage, Michel Bergeron le dédie à toute une jeunesse qui possède toutes les chances de poser les jalons de la réussite.
Le journal Extra, 17 Novembre 1987.