Michel Goulet: grande vedette en puissance

Par Claude Cadorette

 

Québec - Depuis un bon moment déjà, les frères Stastny, Marc Tardif, Réal Cloutier, Daniel Bouchard et Jacques Richard ont défrayé les manchettes, pour toutes sortes de raisons.  On a également associé les noms de Robbie Ftorek, André Dupont et Dale Hoganson à la récente remontée des Nordiques.  Il est vrai, d'ailleurs, que tous ces hommes ont joué un rôle important, tout le monde en conviendra.

Les Nordiques alignent toutefois un jeune homme de 20 ans qui ne fait jamais le moindre bruit mais qui pourrait bien devenir, d'ici quelques années, la plus grande vedette de l'équipe.  En effet, on connaît trop mal Michel Goulet, déjà auteur de 27 buts, cette saison, même si on lui reconnaît autant de qualités à la défensive qu'à l'attaque.  Et tous ceux qui ont suivi de près les activités des Nordiques savent qu'avec un peu plus d'opportunisme, il aurait ajouté plusieurs buts à sa fiche.

Son incroyable force d'accélération lui permet régulièrement de s'amener seul devant les gardiens adverses mais pour des raisons confuses, il n'arrive pas à en profiter.  Il n'a que 20 ans et tous les experts sont unanimes à lui prédire plusieurs saisons de quarante buts et plus, dès qu'il aura pris un peu plus d'expérience.

Même à Québec, on parle cependant très peu de Goulet.  Parce qu'il évolue dans les rangs professionnels depuis trois ans, on a tendance à croire qu'il est un vétéran et qu'il doit se comporter comme tel.  De fait, Michel Bergeron lui confie toutes les tâches habituellement réservées aux hommes d'expérience et il s'en acquitte avec distinction.

Les unités spéciales

Goulet est en effet devenu un spécialiste, lors des infériorités numériques, en compagnie d'un autre "kid", Dale Hunter.  Il participe de plus en plus souvent aux attaques massives, surtout depuis qu'il complète le trio des frères Stastny.   "Vous remarquerez que je l'utilise également dans les fins de périodes et dans les fins de matches, quand l'enjeu esst important", ajoute l'entraîneur des Nordiques, pour souligner encore plus l'importance de l'athlète de Péribonka au sein de son équipe.

"Il a joué tellement peu longtemps chez les juniors que je n'avais pas eu le temps de bien le connaître" déclare Bergeron.  "Toutefois, il avait marqué plus de 70 buts, à l'âge de 17 ans.  Malgré tout, je dois dire que je ne le croyais pas aussi bon, à mon arrivée à Québec.  Au début de la saison, je lui reprochais même un certain manque de combativité.  Depuis ce temps, il s'est beaucoup amélioré et il est devenu l'un des meneurs, à ce chapitre".

"Son atout majeur, c'est toutefois sa grande force physique" analyse Bergeron.  C'est ce qui lui permet de travailler aussi bien le long des rampes et dans les coins de patinoire.  Ca lui permet aussi de se défaire des défenseurs et de se donner tellement d'occasions de compter.  Ce gars là est tellement fort et tellement intelligent qu'il aura sa place au soleil pendant longtemps".

Une dure bataille

Si les Nordiques se félicitent aujourd'hui d'en avoir fait leur premier choix au repêchage de 1979, ils le doivent cependant à la dure bataille qu'a accepté de livrer le jeune athlète, en compagnie de son conseiller, Me Guy Bertrand, lors de la fusion des deux circuits.

On se rappellera que Goulet avait signé son premier contrat professionnel avec les Bulls de Birmingham, de L'AMH.  Bien conseillé par Me Bertrand, il avait fait inclure une clause disant qu'en cas de fusion ou d'expansion, le dit contrat devrait d'abord être offert aux Nordiques.  Malgré tout, dans le projet d'expansion ou de fusion, comme on voudra bien l'appeler, les magnats de la ligue Nationale n'avaient fait aucune exception pour Goulet et on avait décidé qu'il serait éligible au repêchage, malgré cette clause bien explicite".

C'est alors que l'avocat québécois a mené une bataille devant les tribunaux de Québec.  Toutes les équipes ont été avisées qu'elles devraient parader en Cour, si elles ne respectaient pas le contrat original de Goulet et qu'elles le réclamaient lors de l'encan  amateur.  La stratégie s'est révélée fructueuse et même si ils sélectionnaient au 20e rang, cette année-là, les Nordiques ont pu le réclamer.

Aujourd'hui, Goulet reconnaît qu'il aurait fini par se présenter à n'importe quelle équipe qui aurait passé outre aux menaces mais il avait joué toutes ses cartes et son rêve de porter l'uniforme des Nordiques s'est concrétisé.

On se souviendra qu'en cette dernière année de l'AMH, ceux que l'on avait surnommés les Baby Bulls étaient Rob Ramage, Craig Hartsburth, Rick Vaive, Gaston Gingras, Pat Riggins et Keith Crowder.  Ils sont tous de bons joueurs dans la ligue Nationale aujourd'hui mais Maurice Filion n'avait jamais cessé de dire:  "Michel Goulet sera le meilleur d'entre eux.  C'est lui que je veux".  Filion avait misé juste!

Quarante buts

Goulet a maintenant besoin de 13 buts dans les 17 derniers matches de l'équipe, pour couronner sa deuxième campagne dans le circuit Ziegler, avec quarante buts.  En évoluant aux côtés des frères Stastny, tout est possible, même si, il faut le reconnaître, il n'était pas mal servi non plus, aux côtés de Dale Hunter et Jacques Richard.

"Au début de la saison, je visais les 35 buts" rappelle cependant Goulet.   Si j'en marque quarante j'en serai bien heureux mais ce n'est pas devenu un objectif bien défini.

Quoiqu'il en soit, dès cette année, il est en voie de donner raison à Serge Bernier, qui avait dit de lui, pendant le camp d'entraînement:  "Goulet sera la prochaine grande vedette des Nordiques".

Il reste que son style n'est pas le plus spectaculaire, un peu comme Wayne Babych, des Blues de St.Louis.  "C'est pour cette raison qu'on en parle moins et qu'on le remarque moins mais il sera l'un des bons ailiers gauches de la ligue Nationale" tranche Bergeron.

Que de compliments, pour un homme de 20 ans!  Une autre raison de se dire que les Nordiques peuvent envisager l'avenir avec optimisme.

 

Journal de Montréal, 1er Mars 1981.


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