Michel Bergeron n'envie personne

Par Pierre Raymond

 

Chicoutimi -  Devinez qui est resté le plus surpris lorsque Michel Bergeron a rejoint les Red Wings de Détrois, cette saison, dans la Ligue nationale?  Michel Bergeron lui-même!

En quittant Sorel, l'année dernière, Bergeron pliait bagage pour la Virginie où Rodrigue Lemoyne lui avait bâclé un engagement à long terme avec les Red Wings.

Le joueur chicoutimien ne croyait jamais pouvoir rejoindre les "grands" aussi rapidement.  "Denis Dejordy est venu me voir une bonne journée, pour me dire de faire mes valises pour Détroit.  Je ne m'attendais pas à cela.  Tout de suite, j'ai pensé que je réchaufferais le banc plus souvent qu'à mon tour mais Delvecchio m'a confié un poste régulier, à ma grande surprise", de raconter l'athlète de 20 ans.

Bergeron attribue ce coup de chance à une série de déboires des Red Wings.   "J'ai eu la chance de rejoindre une équipe en pleine reconstruction.  Si j'avais signé un contrat pour une équipe plus puissante, je n'aurais sûrement pas joué".

Bergeron ne s'en cache pas.  Il en avait beaucoup à apprendre à son arrivée dans la ville de l'automobile.  "Je ne savais pratiquement rien de l'aspect défensif du hockey.  J'ai repris l'instruction au tout début.  Mon instructeur, en Virginie, m'avais averti de jouer le même jeu, de ne pas tenter de changer mon style".

Delvecchio l'aime

A l'instar de Mario Tremblay, qui a rapidement gagné la faveur de Scotty Bowman, Michel Bergeron a mérité l'estime de son instructeur.  "Delvecchio m'aime!   Le public de Détroit m'aime!  Lorsque j'ai compté un but contre Bernard Parent, les gens m'ont réservé une ovation debout.  C'est comme ca!  Nous avons gagné 4 à 3 contre les Flyers.  Je n'avais compté que le premier but mais j'avais apporté ma contribution", de dire Bergeron.

Ce dernier avouera également qu'il n'envie pas le moins du monde la situation de son ancien coéquipier à Sorel, Pierre Larouche, ou encore celle de Mario Tremblay.

"Je ne les envie pas!  Si Pierre peut hériter du titre de recrue de l'année, je serai très heureux pour lui.  Il a prouvé qu'il était capable".

"Mario?  Je l'ai peut-être un peu envié au début.  Il n'a pas eu le temps de faire sa marque que déjà tous les journaux montréalais ne parlaient que de lui.  Il a compté 21 buts cette saison, je suis bien content pour lui.  Je n'ai cependant pas tellement apprécié son comportement, lors du dernier match des Canadiens à Détroit.  Tremblay a passé près du banc en me traitant de "pas bon de Bergeron" et de "chicken-Bergeron".  Il n'avait pas à dire cela.   Nous ne sommes plus dans le junior quand même.  Sorel, c'est du passé pour moi".

Esposito l'impressionne

Bergeron se souvient encore de la première fois qu'il a sauté sur la glace du domicile des Red Wings.  "Je me demandais bien ce que j'avais à faire là.   J'ai joué défensif pendant deux périodes..."

Naturellement, Phil Esposito et Bobby Orr ont impressionné le jeune joueur.

"Tu ne peux faire autrement que de rester muet devant le talent de ces joueurs.   Leur réputation suffit à impressionner un gars.  Ils représentent de gros joueurs, et d'un niveau supérieur aux autres.  Il y a Stan Mikita aussi qui m'a impressionné, Mikita est très intelligent sur la glace, c'est pas possible".

Bergeron sera de nouveau éligible pour le titre de la recrue de l'année, la saison prochaine, dans la Ligue nationale.  "Un jour, dans un hôtel, le publicitaire de l'équipe m'a parlé de cette éventualité.  Il suffisait de convaincre Delvecchio.  Il ne m'a pas utilisé lors des derniers matches pour ne pas dépasser le nombre limite de 27 rencontres.  Delvecchio m'a gardé pour le dernier match de la saison, contre Montréal.  Je n'avais pas patiné depuis deux jours.

Dionne, un égoiste

Bergeron garde beaucoup d'estime pour Marcel Dionne, le talentueux joueur de centre mais il n'accepte pas totalement les agissements de la jeune vedette de 23 ans.

"C'est définitivement le meilleur joueur des Wings mais je le trouve égoiste bien souvent.  Par exemple, lorsqu'il a déclaré aux journalistes montréalais que les Red Wings ne comptaient que deux ou trois joueurs de la trempe de la Ligue nationale.   Quand Brian Watson a jeté un coup d'oeil sur le journal, il l'a lancé au visage de Dionne.  Pour ma part, je le trouve correct mais certains joueurs ne l'aiment pas", avoue Bergeron.

"Avec le temps, je crois que les problèmes des Red Wings seront réglés.   En fait, j'estime qu'il nous faudra deux bons défenseurs.  La défensive manque d'assurance.  Un joueur de la trempe de Jerry Korab ferait l'affaire.   Nous ne terminerions peut-être pas premiers mais la deuxième position serait envisagée sérieusement".

L'avenir de Bergeron semble maintenant assuré.  Il doit une partie de son bonheur à Rodrigue Lemoyne, qu'il considère beaucoup.  "Je ne croyais jamais pouvoir retirer autant.  On dit bien souvent que Lemoyne est un fou mais il sait où il va.   Il m'a obtenu un contrat fort intéressant avec certains bonis", de conclure Bergeron, qui occupera la majorité de la saison morte à pratiquer le golf.

 

Le Quotidien, 19 Avril 1975.


Retour